Q : Que peut protéger un brevet
? R : Selon la conception européenne, toute
invention de caractère technique est protégeable par brevet.
Contrairement à certaines idées reçues, les inventions
dans le domaine de l'informatique et des biotechnologies
sont bien protégeables par brevet. Un brevet européen
peut protéger un produit, un procédé, un composé chimique
ou biologique, et même un programme d’ordinateur, un signal,
et une application nouvelle d'une substance connue.
Q : Quels sont les critères principaux
de brevetabilité ? R : En droit européen, une invention
doit être nouvelle et impliquer une activité inventive
pour être brevetable. Ces critères s'apprécient à l'égard
de l'art antérieur. L'art antérieur comprend toutes les
informations communiquées avant la date de dépôt d'une
première demande de brevet (i.e. la date du premier dépôt).
Toutefois, les informations dont on peut prouver qu'elles
étaient communiquées sous confidentialité, ne sont pas
prises en compte. En d'autres termes, une information
communiquée de façon non confidentielle constitue un art
antérieur, peu importe la forme de cette communication.
Elle peut être faite par écrit, par oral, par voie électronique
(Internet), et même par la mise à disposition d'un échantillon
à un prospect.
Il y a deux points importants à retenir. Premièrement,
l'importance de la date de dépôt d'une première demande
de brevet pour votre invention, car elle détermine l'étendue
de l'art antérieur. Deuxièmement, une vigilance relative
à la communication d'une information sur votre invention
avant cette date. Toute divulgation à une tierce personne
non tenue à la confidentialité détruit la nouveauté, et
donc la brevetabilité, de votre invention au niveau européen.
La Convention sur le Brevet Européen ne comprend pas un
« délai de grâce » qui permet à l'inventeur de librement
communiquer son invention avant la date de dépôt sans
conséquence pour la brevetabilité.
Q : Comment savoir si une invention
remplit les critères principaux de brevetabilité ? R : Votre invention n'est pas nouvelle
s'il existe un document non-confidentiel, ou une autre
forme de communication non-confidentielle, d'une date
antérieure qui divulgue toutes les caractéristiques de
votre invention. Il en va de même si quelqu'un a déposé
une demande de brevet avant vous pour la même invention.
C'est l'importance de la date du premier dépôt.
L'appréciation de l'activité inventive est plus complexe
et souffre d'un certain degré de subjectivité. Formellement,
l'invention ne doit pas découler de manière évidente de
l'état de la technique pour un homme du métier. Cependant,
il n'est pas nécessaire que l'invention relève du Prix
NOBEL pour être considérée comme brevetable.
Une approche couramment utilisée en Europe repose sur
le concept qu'une invention est une solution à un problème,
une réponse à une question. C'est-à-dire, une invention
se caractérise par deux éléments principaux : un problème
et une solution (une question et une réponse). Au moins
un de ces deux éléments doit être non évident ; il doit
y avoir un élément de surprise dans au moins un des deux.
Si le problème est connu, la solution doit être non évidente.
Autrement dit, si on pose la question concernée à un homme
du métier, celui-ci ne devrait pas donner une réponse
qui correspond à celle de l'invention. L'activité inventive
peut également se situer au niveau du problème posé :
il n'était pas évident de poser la question qui caractérise
l'invention.
Il faut souligner qu'en Europe seulement les aspects techniques
du problème et de la solution sont pris en considération
pour apprécier l'activité inventive. Un ordinateur conventionnel
programmé pour appliquer une gestion judicieuse de fonds
monétaires, n'est pas brevetable en droit Européen. Peut-être
y a-t-il une activité inventive, mais elle réside dans
le domaine de la gestion de fonds monétaire, qui n'est
pas un domaine technique et, par conséquent, n'entre pas
en jeu pour l'appréciation de l'activité inventive.
Q : Dois-je garder mon invention
confidentielle ? R : Oui, vous avez intérêt à garder votre
invention confidentielle jusqu'à la date à laquelle votre
demande de brevet sera publiée. Cette date est typiquement
18 mois à compter de la date du premier dépôt. C'est donc
une période relativement longue. Vous devez utiliser un
contrat de confidentialité dans le cas où vous êtes amenés
à communiquer des informations concernant votre invention
à des tiers (voir notre rubrique « Services - acquisition
des droits »).
Quelles sont les conséquences si la confidentialité de
votre invention n'est pas préservée jusqu'à la date de
publication de votre demande de brevet ? Il convient de
distinguer trois périodes.
La première période s'étend jusqu'à la date de dépôt d'une
première demande de brevet : le premier dépôt. Elle est
la plus critique. Une divulgation de votre invention détruit
la nouveauté de celle-ci : votre invention n'est plus
brevetable. La divulgation peut prendre de nombreuses
formes. Par exemple, la mise d'un échantillon à la disposition
d'un prospect, même si l'invention n'est pas « visible
» de l'extérieur, peut constituer une divulgation.
La deuxième période concerne les 12 mois suivant la date
du premier dépôt, appelée « année de priorité ». Vous
avez la faculté de déposer d'autres demandes de brevet,
pour une extension territoriale, en revendiquant la date
du premier dépôt. Une question de confidentialité se pose
dans le cas où une ou plusieurs de ces demandes d'extension
comprennent des informations qui ne figuraient pas dans
le texte du premier dépôt. Typiquement, vous avez conçu
une amélioration que vous souhaitez protéger en l’incluant
dans les demandes d'extension. Cette amélioration ne bénéficie
pas de la date du premier dépôt. Si l’amélioration a été
divulguée avant la date de dépôt d'une demande d'extension,
alors la divulgation de l’amélioration constitue une antériorité
opposable à cette demande d'extension.
La troisième période se situe entre la fin de l'année
de priorité et la publication de votre demande de brevet.
Cette phase est la moins critique. Les conséquences d'une
divulgation sont d'ordre industriel et commercial : vos
concurrents peuvent prendre connaissance de votre invention
de façon prématurée.
Q : Peut-on protéger une invention
en la gardant secrète ? R : Selon la conception européenne, à
partir du jour où une invention gardée secrète est divulguée,
que ce soit d'une manière abusive ou le résultat d'une
maladresse, cette invention se trouve définitivement dans
le domaine public. Seul un brevet permet de conserver
provisoirement (pendant 20 années au maximum dans la mesure
où le brevet est maintenu en vigueur) une situation de
monopole sur une invention. Néanmoins, certaines législations
(par exemple en droit américain) permettent tout de même
de déposer une demande de brevet malgré une divulgation
malencontreuse.
Q : Peut-on protéger une invention
par une enveloppe SOLEAU ? R : Non, l'enveloppe SOLEAU ne génère
aucun droit. Elle ne peut donc pas remplacer une protection
obtenue par le dépôt d'une demande de brevet, ne serait
ce qu’une demande « provisoire ». L'enveloppe SOLEAU constitue
uniquement un moyen de preuve du contenu et de la date
d'un document. L'enveloppe SOLEAU ne peut contenir que
4 pages. Elle est l'équivalent d'un cahier de laboratoire
signé et daté, ou de tout document visé par un huissier.
Dans le domaine des brevets, l'enveloppe SOLEAU n’a donc
quasiment pas d'utilité, d'autant plus qu'il existe de
meilleurs moyens de preuve. Pour illustrer ceci, considérons
le cas suivant. Monsieur X fait une invention. Il dépose
une enveloppe SOLEAU avec une description de son invention.
Il pense avoir protégé son invention, mais hélas. Le lendemain,
Madame Y dépose une demande de brevet pour la même invention.
Monsieur X ne peut valablement revendiquer le droit au
brevet pour l'invention avec son enveloppe SOLEAU seulement.
Il doit démontrer de façon irréfutable que Madame Y lui
a « volé » son invention, ce qui est compliqué dans la
pratique. Madame Y peut parfaitement avoir conçu la même
invention de façon indépendante. Madame Y a droit au brevet,
Monsieur X n'a que ses yeux pour pleurer. Il aurait dû
déposer une demande de brevet, ne serait ce qu’une demande
« provisoire » à très faible coût. Le premier arrivé est
le premier servi en matière de dépôt de demande de brevet
en Europe. L'enveloppe SOLEAU ne compte pas.
Q : Que peut faire un inventeur
en cas de vol de son invention ? R : Le code de la Propriété Industrielle
Français prévoit une « action en revendication » dans
le cas du dépôt abusif d'une demande de brevet par un
tiers ayant sciemment « dérobé » l'invention à l'inventeur
légitime. Une telle action devra être engagée devant les
tribunaux compétents dans les trois ans suivant la publication
de la demande déposée abusivement.
Q : Combien coûte un brevet
? R : Pour évaluer les coûts inhérents
à un brevet, il est utile de considérer plusieurs aspects
:
a) coûts liés à la préparation d’une demande de brevet
; (+)
b) taxes officielles liées au dépôt et à la procédure
de délivrance ; (+)
c) coûts liés à des actes à accomplir lors de la procédure
de délivrance ; (+)
d) frais d’extension à l’étranger ; (+)
e) frais liés au défraiement des taxes de maintien en
vigueur dans des différents pays. (+)
Nota : Les montants indiqués dans la suite sont ceux valables
pour l'année 2007 et ont pour but de vous donner une indication
des montants en jeux.
a) Les honoraires
liés à la préparation d’une demande de brevet dépendent
du temps consacré à l’étude du dossier et à la rédaction
de la description, des revendications et des dessins.
Le degré de complexité de l'invention joue un rôle important.
A titre d’exemple, les honoraires se situent typiquement
dans une fourchette allant d’environ 2000 à 5000 Euros.
Pour une invention relativement complexe, les honoraires
peuvent être plus élevés. L’acte formel du dépôt de
la demande de brevet fait aussi l'objet d'honoraires.
b) Pour la France,
les taxes officielles liées au dépôt et à la procédure
de délivrance représentent une somme se situant typiquement
entre 500 et 650 Euros si la demande ne comprend pas
plus de dix revendications. Le montant bas s’applique
dans le cas où vous pouvez bénéficiez d’une réduction
de 25%. Cette réduction est réservée aux :
- personnes physiques ;
- PME employant moins de 250 salariés , dont le chiffre
d’affaires est inférieur à 50 M€, et dont le capital
n’est pas détenu à plus du quart par une entité ne remplissant
pas ces dernières conditions ;
- organismes à but non lucratif du secteur de l’enseignement
ou de la recherche.
c) Les coûts liés
à des actes à accomplir lors de la procédure de délivrance
sont essentiellement des honoraires pour la rédaction
d'une réponse à une notification reçue de l'Office des
brevets concerné. En France, la procédure de délivrance
est relativement simple. Typiquement, la seule notification
concernant la brevetabilité est un rapport de recherche.
Dans le cas où le rapport de recherche cite une ou plusieurs
antériorités pertinentes, une réponse est obligatoire.
Les honoraires pour l'élaboration d'une telle réponse
sont environ 20-40% de ceux pour la préparation d'une
demande de brevet.
d) Les frais d’extension
à l’étranger correspondent aux coûts liés au dépôt et
la procédure de délivrance pour chaque pays ou région
où vous souhaitez obtenir un brevet pour votre invention.
L’extension à l’étranger nécessite généralement une
ou plusieurs traductions. Le budget à prévoir peut varier
considérablement en fonction de la complexité du texte
et des dessins à déposer, du nombre des pays concernés,
de la complexité de la procédure de délivrance dans
ces pays, etc... Une couverture dans plusieurs pays
Européens représente un budget minimum de 20,000 Euros
environ.
e) Pour la France,
les taxes officielles à payer chaque année pour le maintien
en vigueur du brevet présentent une tarification qui
augmente en fonction de l’âge du brevet. Les premières
années vous payez 35 euros par an, ou 26 euros si vous
avez droit à une réduction. Ensuite, le tarif passe
à 150, puis 300 et jusqu’à 600 Euros par an pour les
dernières années d'un brevet (un brevet dure 20 ans
au maximum). Pour les Etats-Unis, des redevances sont
prévues aux échéances correspondantes à 3,5 années (930
Dollars), 7,5 années (2,360 Dollars) et 11,5 années
(3,910 Dollars). Des frais réduits (de l’ordre de 50%)
sont prévus si le déposant satisfait à certaines conditions
liées notamment à la taille de l’entreprise. Il convient
de noter que les montants mentionnés sont des taxes
officielles, qui n'incluent pas la prestation de l'acquittement
de ces taxes.
Q : Combien vaut un brevet ou
une demande de brevet ? R : C'est une question difficile, avec
une réponse simple : un bien vaut ce qu'un acquéreur est
prêt à payer. L'estimation de la valeur « réelle » d'un
brevet, ou d'une demande de brevet, commence tout d'abord
par une appréciation sérieuse de la portée du brevet :
quels produits et quels services peuvent raisonnablement
être considérés comme contrefaisants ? Cette question
s'étend également aux futurs produits et services, ce
qui relève un peu de la boule de cristal. La situation
est encore plus compliquée dans le cas d'une demande de
brevet : il faut estimer la portée du futur brevet, avec
la possibilité qu'il ne soit pas délivré. Ensuite, la
question suivante se pose : quelle est la valeur du marché
des produits et services concernés ? Ce marché, comment
va-t-il se développer dans le futur ? Il y a une autre
question cruciale qui détermine la valeur de votre brevet
: quelles sont les alternatives à la solution brevetée
? En effet, un brevet qui est facilement contournable
n'a que peu de valeur. Un critère simple à prendre en
considération : la durée de vie restante d'un brevet.
Un brevet qui est presque à la fin de sa durée de vie
vaut moins qu'un brevet qui a encore de belles années
devant lui. Finalement, nous réitérons la réponse simple
: un bien vaut ce qu'un acquéreur est prêt à payer. Des
cessions de brevets pour un domaine technologique spécifique
peuvent être des indicateurs de la valeur d'un brevet.
Q : Comment exploiter un brevet
? R : Il y a plusieurs façons d'exploiter
un brevet, ou même une demande de brevet. Tout d'abord,
vous pouvez exploiter un brevet en vous réservant l'exclusivité
de l'exploitation de l'invention protégée par celui-ci.
Un brevet constitue un droit exclusif qui vous permet
d'interdire à un tiers d'exploiter votre invention. Ainsi,
le brevet vous confère un monopole temporaire, qui vous
assure des marges intéressantes. Attention, une demande
de brevet ne vous donne pas un tel droit d'interdiction,
il faut attendre la délivrance du brevet. Toutefois, vous
pouvez intimider vos concurrents en leur présentant votre
demande de brevet, de préférence après sa publication
(voir la question « Dois-je garder mon invention confidentielle
? »).
Une autre façon d'exploiter un brevet consiste à concéder
des licences. Vous autorisez un tiers à exploiter votre
invention moyennant une contrepartie. Cette contrepartie
peut être, par exemple, financière ou sous forme d'une
licence croisée, ou une combinaison des deux. Une licence
peut être exclusive ou non exclusive. Dans le cas d'une
licence exclusive, il convient de définir si votre licencié
et vous-même êtes habilités à exploiter l'invention, ou
votre licencié. Dans le dernier cas, vous vous engagez
à ne pas exploiter votre propre invention au profit du
licencié exclusif.
Il n'y a pas besoin d'attendre la délivrance du brevet
pour conclure une licence. La licence peut parfaitement
se conclure à partir d'une demande de brevet. Il y a même
un aspect commercial. Vous faites comprendre à votre licencié
potentiel que, s’il signe maintenant, avant la délivrance,
il paiera moins cher que s’il attend la délivrance. Une
fois le brevet délivré, le doute sur la brevetabilité
de celui-ci est levé, et il n'y a plus lieu à une prime
d'incertitude.
Finalement, vous pouvez céder votre brevet ou votre demande
de brevet. Un brevet constitue un bien incorporel ayant
une certaine valeur, ne serait-ce que d'un point de vue
comptable. Il en va de même pour une demande de brevet.
Q : Qu'est-ce que le marquage
d'un produit protégé par un brevet ? R : Le marquage d'un produit consiste
à indiquer aux tiers l'existence d'une protection par
un brevet pour le produit en question.
Lorsque les dimensions et la nature du produit le permettent,
il est conseillé d'apposer le marquage directement sur
le produit. Dans le cas d'un produit complexe, seul l'élément
protégé par un brevet doit être marqué. Dans les autres
cas, il est conseillé d'apposer le marquage sur l’emballage,
sur des brochures, publicités, ou catalogues.
Il est particulièrement conseillé de marquer les produits
protégés par un brevet ou une demande de brevet lorsque
les produits sont commercialisés dans l’un des pays suivants
au moins dans lequel un brevet est en vigueur, à savoir
: Etats-Unis, Royaume-Uni, Irlande, Danemark, Suède, Taiwan,
Australie. En effet, dans ces pays, le montant des dommages
et intérêts alloué lors d'un procès en contrefaçon peut
être plus important si les produits commercialisés et
considérés comme contrefaits ont été marqués. Dans les
autres pays, le marquage n'a pas un intérêt particulier
sauf un effet publicitaire auprès des acheteurs, et probablement
un effet dissuasif vis-à-vis de contrefacteurs potentiels.
Le marquage doit distinguer entre une demande de brevet
(par exemple EP N°xyz Patent Pending) et un brevet délivré
(par exemple US N°xyz), et doit clairement indiquer les
pays pour lesquels il existe une protection par brevet.
Par exemple, aux Etats-Unis, la mention «pat.» ou «patented»
doit être suivie du numéro du brevet délivré aux Etats-Unis.
La mention «patent pending» ou «patent applied for» doit
être suivie du numéro de la demande de brevet. Bien évidemment,
le marquage d'un produit dont le brevet est expiré doit
être retiré. Tout marquage erroné sera considéré comme
abusif et peut être légalement sanctionné. Par conséquent,
le marquage doit être utilisé avec un grand discernement
pour éviter tout écueil à l'égard du titulaire du brevet.